Vue de l'exposition Le jeu de l'ordinaire, 2015, Maison des arts Yishu 8, Pékin
texte de Christine Cayol, dans le cadre de l'exposition de fin de résidence, Le jeu de l'ordinaire - contes photographiques de la ville de Pékin Résidence Yishu 8, maison des arts de Pékin, 2015
Mathilde Geldhof marche dans la ville comme certains lisent des livres d’aventures ou des romans d’amour. Tout commence avec la marche et cela a son importance. C’est au sein d’un rythme et d’un mouvement paisible qu’il s’agit de surprendre les germes d’une narration. La force de ce travail tient tout entière dans le risque que l’artiste prend en acceptant de voir ce que tout le monde a sous les yeux. Rien n’est extraordinaire ici et pourtant, tout est étrange. Rien ne cède aux clichés et aux images pittor- esques, l’on a envie de deviner ce qui se passe et d’entrer dans l’image. La photographie ici s’enracine dans l’image peinte, David Hockney, Peter Doig, ne sont pas des références mais plutôt des leviers qui permettent à l’artiste de nous faire ses propres propositions. Ces photographies sont des invitations, pas des affirmations.
Rendre à la ville la puissance d’imaginaire et de poésie qu’elle recèle ; c’est le plus beau cadeau que l’artiste puisse faire à Pékin. Faire sentir non pas le pouvoir destructeur du temps, mais au contraire, sa fragilité, sa douceur, son humour, aussi. Si « Le cadre de l’appareil photo agit comme un filtre qui interprète l’ordinaire à la recherche de ses légendes », le regard quant à lui organise le monde à partir de la couleur. Ces images produisent un effet d’étrangeté mais aussi de douceur, parce qu’elles sont perçues voire même pensées à partir d’un jeu de couleurs rigoureusement construit. Ici un bouquet de poissons rouges s’offre au regard d’une petite fille amusée (autoportrait de l’artiste ?), là une chorégraphie arrêtée à partir de quelques points roses et rouges à l’entrée du zoo de Pékin. Mais la couleur ne suffit pas, ce sont les présences qui permettent d’entrer dans ces bulles de temps suspendu. Présences suggérées, en attente, occupées, oubliées, vivantes. Mathilde peint la vie.